La première grande explication du Tour de France est désormais dans le rétroviseur, et David Gaudu demeure dans le match. Ce mercredi 13 juillet, les coureurs ont vécu et animé l’une des étapes les plus passionnantes de ces dernières années. En direction du Col du Granon, à travers le Télégraphe et le Galibier, la bagarre pour le maillot jaune a été extrêmement âpre. Elle s’est soldée par la prise de pouvoir de Jonas Vingegaard, vainqueur de l’étape, alors que David Gaudu, en second rideau dans cette bataille, a été admirablement chaperonné par ses équipiers avant de réaliser un superbe finish pour s’octroyer la cinquième place de l’étape ! Une journée renversante alors que se profile cejeudi l’arrivée à l’Alpe d’Huez. Le Breton l’abordera en qualité de septième du général, à moins d’une minute du podium.
« Sans l’équipe aujourd’hui, je ne suis rien », David Gaudu
Les masques devaient tomber. Après dix jours de course, certes extrêmement éprouvants, c’est bien ce mercredi entre Albertville et les hauteurs de Serre-Chevalier que la première grande bataille entre les prétendants au classement général était censée se tenir. Pas moins de 4000 mètres de dénivelé étaient répartis sur les cent derniers kilomètres d’une étape relativement courte, avec un enchaînement Col du Télégraphe-Col du Galibier-Col du Granon qui promettait de faire d’importants dégâts. Une échappée d’environ vingt hommes a abordé la première de ces trois difficultés avec neuf minutes d’avance sur le peloton, mais les grandes manœuvres ont démarré plus vite qu’escompté à l’arrière. Ainsi, dès leCol du Télégraphe, la formation Jumbo-Visma a tenté de déstabiliser le maillot jaune Tadej Pogacar, qui s’est retrouvé isolé et malmené dans la transition vers le Col du Galibier. À la suite de multiples coups de butoir, le groupe des favoris, disloqué dans cette même transition, s’est néanmoinsreconstitué. David Gaudu y a repris sa place, en compagnie deValentin Madouas et Michael Storer, avant de céder du terrain quelques kilomètres plus loin après un nouveau coup de force. Distancé, le Breton s’est alors accroché dans la roue de ses deux acolytes. « On s’attendait à une grande bagarreaujourd’hui ou demain, voire les deux, et il fallait donc être prêts mentalement pour résister à ce tempo infernal, expliquait Philippe Mauduit. Dès ce matin, on avait décidé de se mettre en mode gestion, de rester au contact le plus longtemps possible, mais de ne surtout pas se mettre en surrégime car c’était une étape difficile dans des conditions météo difficiles ».
« C’était une étape de fous furieux, du début à la fin, commentait David. J’étais un peu ‘’bloqué’’ sur tout le début d’étape, et dans le Galibier notamment. J’ai senti dès le Télégraphe que je n’étais pas au top donc j’ai géré au maximum, puis je me suis retrouvé avec Valentin et Michael. J’ai su garder mon calme et je suis tombé sur une équipe incroyable. J’ai toujours eu du monde à côté de moi, et Philippe à l’oreillette pour nous guider. Sans l’équipe aujourd’hui, je ne suis rien. S’ils ne sont pas là, je suis peut-être à 20 minutes au général ce soir ». Au sommet du Col du Galibier, le Breton a basculé avec environ deux minutes de retard sur un duo Pogacar-Vingegaard alors supérieur au reste de la meute. Mais à la faveur d’une temporisation à l’avant et d’un gros travail en poursuite de Michael Storer et Valentin Madouas, appuyés par Van Aert un peu plus tard, tout est revenu dans l’ordre avant la dernière ascension, le fameux Col du Granon (11,4 km à 9,1%). Au sein d’un groupe maillot jaune très amaigri, la guerre a repris dès les premières pentes et David Gaudu a immédiatement concédé quelques mètressur ses principaux rivaux. « Une fois que tu es au pied du dernier col avec seulement quinze mecs, tu n’as plus le droit de lâcher, lançait l’intéressé. Aujourd’hui, c’était plus un combat dans la tête que dans les jambes, mais je ne pouvais pas lâcher. Les copains font un boulot monstre depuis onze étapes, tout le monde donne plus que 100%, tout le monde finit cramé tous les soirs. Alors quand tu te retrouves dans cette position-là, tu te dois de ne pas lâcher. Tu penses à euxet à Marc qui t’a donné sa confiance ».
« C’était la bonne tactique aujourd’hui », Philippe Mauduit
Mais au-delà de la combativité, David Gaudu et ses équipiers ont aussi fait preuve d’une vraie lucidité et ont abordé la montée finale avec un plan précis. « Je m’attendais à ce que des coureurs explosent, je me disais que certains allaient forcément craquer après s’être autant bagarrés, ajoutait David. Dès le pied, j’ai dit à Valentin que ça allait être un chrono, et on a effectivement fait un chrono par équipes ». En retrait par rapport au groupe maillot jaune, David Gaudu n’a donc pas sombré, entouré par ses deux lieutenants de luxe. « Le pied du Granon s’est monté très vite, et la consigne était de ne surtout pas essayer de s’accrocher, mais plutôt essayer de bien gérer la montée sur son ensemble, complétait Philippe. Mentalement, les mecs étaient forts, et David est en confiance avec ses équipiers. Il sait qu’ils sont là pour lui et qu’ils font un travail remarquable. Il n’a pas peur de se laisser décrocher à certains moments pour ne pas se mettre en surrégime. Ce n’est pas une tactique qu’on utilisera tous les jours, mais je reste convaincu que c’était la bonne à employer aujourd’hui si on n’avait pas les jambes pour jouer la gagne. Et je trouve qu’ils ont super bien géré leur effort tout au long de la journée ». Alors, lorsque Jonas Vingegaard s’est débarrassé de Tadej Pogacar à mi-montée, David Gaudu est lui sorti de sa réserve pour réaliser le meilleur finish possible. « Je m’étais dit qu’il fallait mettre en route à 5-6 kilomètres du sommet, et c’est aussi le moment où ils se sont attaquésdevant, indiquait-il. Ils se sont retrouvés un par un dans la montée, je les voyais au loin, et j’ai voulu aller les chercher. Ils avaient aussi fait beaucoup d’efforts au préalable, et ça a nivelé les forces sur cette dernière ascension ».
David Gaudu est d’abord allé cueillir Alexey Lutsenko, Aleksandr Vlasov, puis a même rejoint le maillot jaune Tadej Pogacar, en difficulté, à deux bornes du sommet. Il l’a immédiatement décroché, tout comme il a distancé Adam Yates, avant d’aller finalement franchir la ligne en cinquième position au sommet, deux minutes derrière le vainqueur et nouveau leader Vingegaard. « On a vraiment bien géré, se félicitait David. Au final, je me sentais plutôt bien dans la dernière ascension et j’ai repris tous ceux que je pouvais reprendre. Je suis content de ma journée ». S’il a perdu un rang au classement général, dont il occupe désormais la septième place, David Gaudu s’est paradoxalement rapproché du podium. Six coureurs se tiennent ainsi en une minute derrière le nouveau maillot jaune, mais l’arrivée à l’Alpe d’Huez jeudi devrait permettre d’y voir encore un peu plus clair. « J’ai vraiment hâte d’être à demain, concluait David. C’est le 14 juillet, notre fête nationale, sur une arrivée mythique, celle qui m’a marqué gosse quand je regardais le Tour. En plus, Thibaut y a déjà gagné. C’est une étape très spéciale ».
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