La Conti a peut-être signé la plus belle victoire de sa jeune histoire le week-end dernier. De l’autre côté des Alpes, Reuben Thompson s’est en effet adjugé le gain d’une des épreuves les plus renommées du calendrier Espoir : le Tour de la Vallée d’Aoste. Douze après un certain Thibaut Pinot, le jeune homme a assez nettement dominé les débats lors des trois jours de course, devenant par la même occasion le premier Néo-Zélandais à inscrire son nom au palmarès. Pour la Conti, ce triomphe symbolise aussi le passage d’un nouveau cap.
Environ un mois après le terme d’un Baby Giro au goût d’inachevé, la Conti retrouvait les terres transalpines vendredi dernier à l’occasion du Tour de la Vallée d’Aoste, un autre grand rendez-vous de leur saison. Tout avait d’ailleurs été mis en œuvre pour aborder cette deuxième partie d’année dans les meilleures conditions. « On avait fait un stage de montagne en Suisse pour préparer les nouvelles échéances, indiquait Jérôme Gannat. On voulait certes effacer la petite déception du Baby Giro, mais cette course faisait quoiqu’il en soit partie des objectifs de Reuben [Thompson]. Il l’avait bien préparé et on l’avait vu déjà fort au rassemblement. On y allait donc avec quelques ambitions pour lui. C’était un peu différent pour Alexandre [Balmer], qui avait bien coupé après sa blessure du Baby Giro. On avait un peu plus d’incertitudes le concernant, mais les deux étaient bien nos coureurs protégés ». Ils étaient par ailleurs accompagnés, dans des équipes de seulement cinq coureurs, par Lewis Askey, Lorenzo Germani et Enzo Paleni. Ce dernier a d’ailleurs été le premier à se mettre en évidence, lors du premier acte tracé autour de Pollein sur 110 kilomètres.
« Je n’y serais pas arrivé sans les gars », Reuben Thompson
« On voulait être présents dans les échappées, notamment pour ne pas avoir à courir à contretemps, relatait Jérôme. Après 80 kilomètres, on est arrivé sur le col de TerreBlanche, un véritable mur de quatre kilomètres avec des passages à 18-20%. Une quarantaine de coureurs se sont regroupés au pied, puis Reuben a pris la tête de la course ». Dans les plus forts pourcentages, le Néo-Zélandais s’est montré aérien et a déposé une bonne partie de la concurrence. « Il s’est seulement fait rattraper dans la longue montée suivante, plus roulante, par Alessandro Verre, ajoutait Jérôme. Puis, il a été pris de crampes dans le final et a été décroché dans les tous derniers kilomètres ». Le Kiwi a finalement pris la deuxième place de l’étape, à une demi-minute du vainqueur. « J’étais seul en tête pendant le final, forcément j’y ai cru, rapportait l’intéressé. Mais dans la dernière petite montée, je n’ai pas eu le punch pour suivre ». Déjà « content » de sa deuxième place sur l’étape « qui lui convenait le moins », Reuben attendait donc « avec impatience les deux suivantes ». « C’était une belle entame et on a tout de suite compris que Reuben était en grande forme, poursuivait Jérôme. On savait aussi qu’il allait jouer la gagne du général car les écarts étaient déjà importants ».
Qui plus est, c’est un très gros morceau qui était proposé aux coureurs le samedi, en direction de Cervinia. Jérôme détaillait : « Il y avait 4500 mètres de dénivelé, avec deux dernières ascensions qui s’effectuaient en plus de quarante-cinq minutes. L’essentiel des difficultés était concentré sur 120 kilomètres, c’était extrêmement dur ». Cette fois-ci, Lewis Askey a pris les devants et il s’est avéré décisif plus tard sur le parcours. « Il en a profité pour être présent dans le premier col, développait Jérôme. Il a effectué un gros tempo et quand Lorenzo a pris le relais au pied du deuxième col, le maillot jaune s’est retrouvé en difficulté. Il y a ensuite eu une longue descente, quinze kilomètres de vallée, et le vainqueur d’étape est parti à ce moment-là. Le maillot jaune est brièvement revenu mais il a explosé juste après. Reuben s’est retrouvé dans la position leader provisoire et a bien limité l’écart sur le coureur échappé. Eu égard à la difficulté, c’est finalement arrivé en ordre dispersé derrière. C’était du chacun pour soi, un combat d’hommes à hommes ». Dans cet enchaînement du Col Saint-Pantaléon-Montée de Cervinia, seuls deux coureurs ont résisté dans la roue de Reuben Thompson, dont l’ancien de la Conti Mattia Petrucci. Finalement, le Néo-Zélandais a pris la quatrième place de l’étape mais s’est largement emparé du leadership au général, pour deux minutes. « Je voulais tenter de me battre pour la victoire d’étape mais l’échappée a pris trop d’avance, disait-il alors. En revanche, c’est vraiment génial de prendre le maillot jaune. L’équipe a été incroyable, tous les mecs ont été super et je ne pense pas que j’y serais arrivé sans eux ».
« C’est une victoire très importante », Jérôme Gannat
Dès lors, il n’y avait plus qu’un objectif à l’entame du dernier jour de course et ses quelques 4000 mètres de dénivelé. « Le but était de conserver le maillot sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre, exposait Ruben. L’idée était donc de laisser une échappée inoffensive se développer puis imprimer un faux tempo dans le peloton pour la laisser se jouer la victoire. Les gars ont exécuté ce plan à la perfection ». « Les écarts étant importants au général, on avait un peu de marge, confessait Jérôme. La petite inquiétude résidait dans le fait que nous n’avions que deux vrais grimpeurs sur cette course. Les autres n’étaient pas forcément sur leur terrain, mais il fallait bien contrôler, et ils l’ont admirablement fait. Lorenzo, Enzo et Lewis ont très bien géré toute la journée. Une large échappée est partie, le plus dangereux était à 10’34 et nous n’avons donc pas été vraiment inquiétés ». Neuf coureurs en ont finalement terminé devant le groupe des favoris, au sein duquel Reuben Thompson scellait donc son succès final. « Je ne me suis jamais vraiment senti en danger, reprenait-il. J’avais toujours un léger doute au fond de moi-même, mais l’équipe m’a rendu la tâche tellement facile aujourd’hui… Je n’ai pas eu besoin de m’employer avant les cinq derniers kilomètres. La situation a toujours été sous contrôle pour moi. L’équipe a été absolument parfaite aujourd’hui et ce succès a largement été facilité par leurs efforts ».
Large vainqueur du classement général, Reuben Thompson s’est aussi octroyé les maillots de la montagne et du classement par points alors qu’Alexandre Balmer assurait lui une bonne place dans le top 10 final (8e) et Lewis Askey le maillot des sprints intermédiaires. « Je dois reconnaître qu’en franchissant la ligne, j’ai été pris du syndrome de l’imposteur, ajoutait Reuben. Inscrire mon nom aux côtés des grands coureurs qui ont remporté cette épreuve par le passé, c’est juste incroyable. C’est ma première victoire UCI et ma première victoire sur un classement général. Sans aucun doute, c’est pour l’heure ma plus grande victoire. Je veux juste dire un grand merci à l’équipe. Je n’aurais jamais pu le faire sans leur soutien. Le staff comme les coureurs ont été immenses ». Pour la petite histoire, le Néo-Zélandais l’emporte donc comme l’avait fait Thibaut Pinot douze ans auparavant. Et l’anecdote ne se termine pas là. « Thibaut a été très sympa de me prêter son appartement à Tignes pendant trois semaines le mois dernier, glissait Reuben. J’en suis vraiment reconnaissant car c’était vraiment l’endroit idéal pour effectuer ma préparation pour cette course. J’avais eu le plaisir de courir avec lui sur le Tour des Alpes et c’est vraiment quelqu’un qui m’inspire. C’est un vrai honneur d’avoir mon nom gravé à côté du sien ».
Si Jérôme Gannat louait enfin l’attitude du Kiwi, « qui a provoqué, qui a assumé », il n’oubliait pas la portée importante de cette victoire en Italie. « Quand on présente ces courses aux coureurs, on leur montre le palmarès, resituait-il. Et quand on voit le palmarès… On se souvient de la victoire de Thibaut en 2009, Aru l’a gagné deux fois, Sivakov l’a gagné également. Au niveau de la montagne, c’est l’une des, sinon l’épreuve de référence étant donné qu’on a avalé presque 12 000 mètres de dénivelé en trois jours, avec de vrais cols. C’est une épreuve de grande renommée, et en plus de ramener quatre maillots, on a été costauds en tant qu’équipe. Pour nous, c’est une victoire très importante et elle va sans doute influencer la suite. Cela démontre enfin qu’on sait répondre présent sur tous les terrains au niveau Espoir ».